Celui dont la mort ne voulait pas...

Messages : 60 Date d'inscription : 14/05/2008 Age : 47 Localisation : Avalon

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De lourds et menaçants nuages noirs emplissaient le ciel depuis plusieurs heures maintenant. L'atmosphère était pesante, électrique. Dans la vaste pleine de lichens se tenaient deux clans Cimmériens. Voisins depuis des générations, les deux clans avaient traversé les âges sans se combattre, leur crainte mutuelle se basant sur le respect des faits d'armes de l'autre. Mais les chefs de clans nouvellement en place avaient choisi l'un comme l'autre de prendre enfin le pas sur le clan adverse. Une centaine de guerriers se faisaient face, silencieux et tendus. Les muscles saillants des barbares étaient impressionnants. Des machines de guerre comme seule la Cimmérie pouvait en créer. Tous étaient déterminés malgré le passé pacifique entre les deux clans, à remporter cette victoire par tous les moyens possibles. Tous sauf Arguile l'Impétueux. Il savait que dans le camp adverse se tenait Cradrak, le frère de celle qui lui avait volé son coeur.

Au cours d'une reconnaissance en solitaire, comme il aimait à en faire, Arguile était tombé face à cette beauté Cimmérienne qui se baignait nue dans le bras calme d'une rivière. Un corps svelte et élancé à la peau mate, un visage racé qu'éclairait deux grands yeux gris, et des cheveux courts à la garçonne d'un noir de jais. C'était elle: Erin. Elle avait posé ses armes et ses vêtements au pied d'un arbre robuste, et se lavait debout à quelques mètres de lui. Son dos portait un tatouage tribal dont les entrelacs noirs représentaient un loup. Arguile sentit monter le désir dans son entrejambe et sut qu'il lui fallait cette femme. Elle serait celle que nulle autre ne pourrait égaler, elle était son Unique. Au bout d'un moment la jeune femme sortit de l'eau et se rhabilla. Elle jeta un coup d'œil derrière son épaule avant de partir en souriant.

Les nuits suivantes le jeune barbare fit de nombreux rêves. Chacun d'entre eux était habité par Sa présence et sollicitait sa virilité. Un matin, il décida d'aller se renseigner sur cette femme, même s'il savait que le fait de prendre la femme d'un autre clan était mal vu. Il était orphelin et ne se sentait proche de son clan que parce qu'il l'avait recueilli à la mort de ses géniteurs et, selon lui, il avait payé sa dette envers son clan. Il avait pris les armes à chaque fois qu'on lui avait demandé, il avait fait couler le sang pour son clan et en avait protégé les membres à plusieurs reprises. Notamment la chaman Guinoa, qu'il avait sauvé des griffes d'un ours. D'ailleurs il porterait à jamais les marques de cette victoire sur sa poitrine. Mais, à peine sorti de sa hutte, alors que l'aube chassait avec difficulté les lambeaux de brumes que la nuit avait laissé derrière elle, il vit que le clan était en ébullition. Les guerriers sanglaient leurs armures ou aiguisaient leurs lames. La guerre...Ils partaient à la guerre. Avec soin et en silence il se prépara également, sans demander qui ils allaient combattre, remettant sa quête de l'Unique à plus tard. Il devait suivre sa voie, la voie du barbare.

Quelques heures plus tard, il était là, mêlé aux siens, dans cette plaine qu'il connaissait bien, prêt à charger l'ennemi qui n'en était devenu un que par la volonté d'un seul. Il ne comprenait pas ce qui motivait son chef, mais il ne posait pas de question, ce n'était pas son rôle. Les relents de musc se mêlaient à ceux de la sueur de ses frères. Un cor retentit soudainement, et la plaine résonna alors des hurlements féroces de la centaine de gorges Cimmériennes. Tout alla très vite, il courut droit devant lui et frappa, frappa encore, toujours et plus fort. Sous ses coups plusieurs ennemis tombèrent. Leur sang maculait son torse et son visage. L'adrénaline circulait à flots intenses dans son organisme en décuplant ses forces et en effaçant sa peur. Soudain Arguile se trouva face à face avec Cradrak. Il hésita un instant, l'image d'Erin en tête. Son adversaire frappa fort et le visage d'Arguile fut maculé de sang. La douleur et la rage explosèrent en lui et il frappa à son tour, pour tuer, comme à chaque fois. Cradrak fut projeté à terre, Arguile fit tournoyer sa hache dans sa main et dans un geste ample la leva de nouveau. Son coup fut arrêté avec peine par une lame inconnue. Au bout de cette lame se tenait son Unique. Il la reconnut immédiatement malgré son harnais de guerre et son casque qui ne laissait voir que ses yeux magnifiques.

"Regarde autour de toi guerrier, tu es le seul de ton clan encore debout...Epargne la vie de mon frère et nous épargnerons la tienne...dit Erin en le regardant dans les yeux avec un mélange de méfiance et de défi.
D'un coup d'œil circulaire Arguile jaugea la scène. Tout n'était plus que râles et gémissements. Les membres du clan du loup achevaient les guerriers ennemis tombés au sol. Aucun ne demandait pitié. Leur seule requête était d'être achevé arme en main.

Le barbare acquiesça. Il fut fait prisonnier par le clan ennemi et conduit sur leurs terres. Il resta là-bas de longues journées, enchainé contre le menhir qui trônait sur la place centrale du village. Il endura railleries et violences, crachats et insultes la tête haute et le regard plongé dans celui de ses agresseurs. Erin venait chaque jour et sans un mot lui soigner la vilaine plaie qui lui traversait l'œil. Puis une nuit elle le libéra de ses chaînes. Leurs regards se croisèrent et ils restèrent là, de longues minutes à quelques centimètres l'un de l'autre, sans mot dire. Elle lui prit la main et ils s'enfuirent, telles des ombres dans les ombres, en direction de la côte toute proche. C'est là-bas, sur une plage de sable fin qu'ils s'unirent, le bruit des vagues s'écrasant sur les rochers se mêlant à leurs longs râles de plaisir. Erin chevaucha Arguile avec force et grâce de longues minutes, puis leurs mouvement de bassin s'accélérèrent, leurs corps ne firent plus qu'un et ils jouirent au même moment, le visage tourné vers les étoiles. Essouflée, Erin enleva un de ses colliers et l'attacha autour du cou de son amant, puis elle posa sa tête sur sa poitrine et lui murmura: "Profite et savoure mon Aimé, car tous ces moments se perdront dans l'oubli comme les larmes dans la pluie..." Puis, les jambes encore chancelantes après cet orgasme qui lui avait électrisé le bas ventre, elle se dirigea vers une embarcation dissimulée sous des algues, derrière des rochers. Quelques minutes plus tard ils y prirent tous les deux place et commencèrent à ramer en longeant la côte...

...des vagues hautes comme des montagnes...le hurlement du vent...le ciel qui se déchire et des éclairs qui zèbrent les ténèbres...le froid glacial de l'eau...Erin...sa main qui se tend vers lui...elle s'éloigne, prise dans le tumulte des flots...il ne peut pas lutter...elle disparaît derrière un mur d'eau...Arguile hurle sa haine et tente de nager dans sa direction...une masse sombre s'abat sur lui...Le noir, puis plus rien...

Voilà tout ce dont se souvient Arguile, assis à une table de la Taverne du Chien Pinté de Tortage, le regard dans le vague, les poings serrés autour de la énième chope de bière infecte qu'il descend sans s'en apercevoir. Une larme perle à son oeil et il murmure: "Erin..."
Les larmes affluent sur son visage. Arguile se dresse brusquement, sa chaise tombe derrière lui. Il abat un poing rageur sur la table de laquelle tombent plusieurs chopes vides."Tous ces moments se perdront dans l'oubli comme les larmes dans la pluie...Il est temps de mourir."

» Il suffit, A mort !